[WSIS CS-Plenary] excision
amel bejaoui
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Thu Jun 17 11:32:48 BST 2004
Croisade musulmane contre lexcision
Les imams rétablissent la vérité sur cette tradition
Dossier Excision
mardi 8 juin 2004, par Habibou Bangré
Lexcision nest pas un commandement du Prophète et elle peut être dangereuse. Cest le message que les imams sénégalais expliquent de plus en plus dans leurs prêches. Avec succès : des villages entiers ont déclaré quils abandonnaient lexcision. Encourageant, mais les hommes de foi ne se reposent pas sur leurs lauriers.
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« Le Prophète a dit que sil faut exciser les filles, il faut faire attention. Mais lui-même na jamais fait exciser ses filles. Il ny a rien dans le Coran qui impose lexcision ». Cest ce quexplique limam sénégalais NDiaye, Secrétaire général de lAssociation nationale des imams et oulémas du Sénégal (Anios) aux foules qui justifient cette coutume en se basant sur le Coran. Et il nest pas le seul. De nombreux collègues se joignent à cet éclaircissement des textes et mettent en garde contre les dangers de la pratique. Au final, avec laide des autorités sanitaires et des organisations non gouvernementales (ONG), des villages entiers promettent de délaisser la mutilation des organes génitaux féminins. Mais il faut consolider les acquis et convaincre les localités tenaces.
Et comment ne pas écouter la bonne parole des imams dans un pays à plus de 90% musulman ? Véritable leaders dopinion, ils tiennent une place de choix dans la société qui leur permet de côtoyer les fidèles au moins cinq fois par jour, à chaque prière. Et ce sans compter les causeries religieuses...Daucuns estiment quils auraient même plus de poids que les ONG, dont certains doutent de la bonne foi du discours. Etant très respectés, influents et écoutés, les chefs religieux sont associés à la lutte contre les maux de la société et sont très actifs pour faire reculer lexcision. Avec lassentiment du gouvernement. « Les autorités sanitaires ne peuvent pas être partout. Alors le travail de sensibilisation des imams se révèle être un précieux soutien. Cest pourquoi ils sont formés par des techniciens du ministère, lidée étant quils transmettent le bon message », explique-t-on au ministère de la Santé.
Travail collectif
La méthode des imams est semblable à celles des organisations non gouvernementales avec lesquelles ils travaillent parfois : éduquer, appuyer chaque argument en citant le livre sacré des musulmans, sensibiliser aux problèmes de santé générés par lexcision. Le même cheminement méthodique, mais pas toujours la même manière dopérer. « Je rassemble les imams, les savants et les populations à risque et nous discutons en nous limitant aux textes pour expliquer notre point. Limpact est plus important lorsque lon parle en public car nos interlocuteurs sont plus en confiance. Dans leur esprit, lintervention publique engage notre crédibilité et nous ne pouvons donc pas dire des contrevérités », commente Mouhamed Chérif Diop, imam à la retraite qui mène, depuis trois ans, un travail de conscientisation régulier pour faire reculer lexcision.
Pour être certain de toucher son auditoire, le religieux, à qui il arrive de prêcher à la radio et à la télévision contre lexcision, adapte toujours son discours à lauditoire. « Nous travaillons main dans la main avec des spécialistes en médecine qui nous expliquent les conséquences néfastes de cette tradition. Nous délivrons ensuite linformation aux populations à risque », souligne limam NDiaye. Des initiatives qui ne marchent pas toujours du premier coup. Le Forum africain pour léducation de la femme (Fawe) a récemment essuyé un revers à Marsassoum (sud), communauté locale où toute lassemblée, les jeunes et les plus vieux, se sont déclarés « pour » lexcision. Maïssa Fall, haut-responsable de lONG à Kolda (sud), a déclaré au quotidien Walf Fadjri que « létape de Marsassoum a été inédite, surprenante, car la plupart des intervenants ont été favorables à la pratique de lexcision ».
Lexcision, un héritage ancestral
Lune des causes de ce rejet tient à la valeur sentimentale et historique de lexcision. « Nous touchons à une tradition millénaire, à un héritage ancestral légué par des parents à leurs enfants. Alors quand nous arrivons dans un village, les gens sont convaincus quexciser cest bien », souligne Mouhamed Chérif Diop. Et limam NDiaye dajouter : « Sil y a des résistances, cest parce quon nabandonne pas le chemin de tradition comme ça ». Surtout quand on ne voit pas en quoi la coutume est dangereuse. « Quand on vous dit que lexcision peut provoquer la stérilité, une femme âgée qui a été excisée et qui a eu une dizaine denfants va forcément dénigrer ce que vous dites », assure-t-on au ministère de la Santé.
Le but de cette sensibilisation nest pas de juger ou « forcer à labandon de lexcision, mais déduquer pour que les gens agissent, ou non, mais en connaissance de cause », précise limam NDiaye. Ne pas mettre la pression, cest aussi la méthode de sensibilisation choisie par lassociation Tostan. Cette ONG internationale aide les communautés africaines à prendre en charge leur propre développement et qui lutte contre lexcision depuis 1997, avec laide dimams. « Notre programme daction repose beaucoup sur comment permettre aux gens darrêter sans faire de la répression », souligne Molly Melching, directrice de Tostan au Sénégal.
28% des communautés ont abandonné
Le travail de tous les imams est reconnu, mais celui de certains semble lêtre un peu plus. A limage de celui de Demba Diawara. Le leader religieux, qui travaille étroitement avec Tostan, est qualifié par le Fonds des Nations Unies pour lenfance (Unicef) de « modèle » dans le domaine. Mais cest bien le travail de tous les dignitaires religieux, couplé notamment à celui des ONG, qui a permis dobtenir de bons résultats. Il ny a pas de statistiques disponibles, mais le ministère de la Santé certifie que les fillettes sont beaucoup moins exposées quil y a « 20 ou 30 ans. Et des exciseuses ont fait leur mea culpa et ont déclaré publiquement quelles regrettaient davoir excisé ».
Plus précise, lassociation Tostan estime que « 28% des communautés qui pratiquent lexcision ont cessé de le faire. Ce qui représente labandon de la pratique par 1 367 villages. Cest la première fois en Afrique que des abandons massifs sont déclarés. Il est très important que les villages décident darrêter ensemble car seul on ne peut rien faire. Si un village abandonne et que les autres aux alentours poursuivent, les parents du village esseulé ne pourront pas marier leurs filles. Il faut un abandon coordonné », explique Molly Melching.
Consolider les acquis
Mais les victoires sont encore fragiles. Il faut veiller à ce que les déclarations soient suivies des faits et que les localités récalcitrantes acceptent de revenir sur leurs piositions. Une bataille de longue haleine qui obligera notamment les imams à éduquer certains de leurs confrères. « Beaucoup dimams ont une compréhension du Coran qui épouse leurs intérêts, estime Mouhamed Chérif Diop. Nous bénéficions de divers avantages et certains, pour ne pas les perdre, sont prêts faire une lecture du Coran qui promeut lexcision afin de ne pas mettre à mal leurs relations avec la population », souligne le limam à la retraite, qui ne manque pas dinterpeller les auteurs de ces dérives dans des discours orientés sur lhypocrisie. Mais dautres imams, souligne-t-il, sont mal informés et transmettent un message erroné malgré eux. Un avis que partage limam NDiaye. « Certains imams sont des universitaires, mais dautres ont un niveau très moyen ». Il est donc du rôle des imams de pa
lier les
lacunes en enseignant le message correspondant à la « compréhension standard » du livre sacré.
Les imams sont très actifs et sorganisent au Sénégal, mais aussi en dehors des frontières du pays. Les leaders religieux des pays voisins essayent détablir des réseaux pour faire reculer lexcision, mais aussi dautres maux. Pour que tous prônent la même parole religieuse.
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